Balthus (1908-2001), peintre français, qui a privilégié la figure d'adolescentes mystérieuses en flagrant délit d'impudeur ou d'innocence équivoque dans une œuvre à la fois exigeante et assoiffée d'absolu.
II. Sur les traces de Piero della Francesca Imprimer cette partie
Né à Paris au sein d'une famille d'origine polonaise réfugiée en Prusse-Orientale, Balthazar Klossowski de Rola, dit Balthus, est le fils d'Erich Klossowski (critique d'art) et d'Elizabeth Dorothea Spiro, surnommée Baladine (artiste peintre et amie de Rilke après la séparation du couple Klossowski en 1917). Balthus est aussi le frère de l'écrivain et philosophe Pierre Klossowski.
Dès la déclaration de guerre, Balthus, bien que ballotté entre Berlin, Berne, Genève et Beatenberg, grandit dans un milieu culturel propice à l'épanouissement d'une personnalité rare. Très tôt, son père l'initie à Cézanne. De retour à Paris en 1924, il refuse de suivre l'enseignement classique de l'École nationale supérieure des beaux-arts et s'inscrit comme élève libre à l'académie de la Grande Chaumière. Il y côtoie les grands maîtres, Maurice Denis mais aussi Bonnard, auquel il se réfère souvent avant les années 1930 : en attestent plusieurs Vues du Jardin du Luxembourg (1925-1927) et ses scènes de rues parisiennes.
En 1925, au Louvre, Balthus, acharné, copie trois mois durant, Écho et Narcisse de Poussin. Puis, pendant l'été 1926, à l'instar de tous les artistes bien nés, il accomplit son voyage en Italie. Le peintre se nourrit alors de Masaccio, de Masolino et des fresques de l'Histoire de la vraie croix (église San Francesco d'Arezzo) de Piero della Francesca. À la façon de Piero (dont il exécute six copies), il construit fermement ses toiles à partir de diagonales et d'orthogonales, la lumière jouant tout pareillement de la transparence des lointains.
III. Les années 1930 et la première exposition Imprimer cette partie
C'est à partir de 1933, avec la Rue (The Museum of Modern Art, New York), que Balthus s'impose au public parisien : à un carrefour de rues qui dessinent magistralement une perspective rigoureuse, des passants se croisent tels des fantômes, sans se voir, perdus dans la fixité de leur regard. Ce tableau, tout droit inspiré du Quattrocento, tranche radicalement avec la manière des contemporains de Balthus.
Plus proche de la Nouvelle Objectivité et de la peinture allemande d'un Grosz, d'un Dix ou d'un Beckmann que du surréalisme, Balthus expose cependant pour la première fois en 1934 à la galerie Pierre, la galerie des surréalistes, dont certains ont porté un réel intérêt à son œuvre. Il y présente notamment la Toilette de Cathy (1933, musée national d'Art moderne, Centre Georges-Pompidou, Paris), Alice (Alice dans le miroir, 1933, id.) et la Leçon de guitare (1934, collection particulière). Si l'exposition fait scandale, elle suscite l'admiration de la vicomtesse de Noailles, de Pierre Jean Jouve et aussi d'Antonin Artaud dont il réalise, l'année suivante, les décors et les costumes de la pièce les Cenci.
Toujours dans les années 1930, la Montagne (1937, The Metropolitan Museum of Art, New York) se réfère de façon manifeste à Courbet et aux Demoiselles de village : même paysage de paroi rocheuse érodée et mêmes personnages familiers au peintre. Tout comme son ami Alberto Giacometti, Balthus enregistre les leçons de la nature à travers le prisme d'une vision singulière qui sait capter les atmosphères troublées.
IV. La jeune fille au chat Imprimer cette partie
Jusqu'en 1943, Balthus alterne scènes de la vie quotidienne, paysages et portraits : il a notamment peint un admirable Derain, très en retrait de lui-même (1936, collection particulière), un Joan Miró et sa fille Dolorès (1937-1938, The Museum of Modern Art, New York ; le visage du peintre étant perdu dans un énigmatique ennui), le portrait d'Antoinette de Watteville, qu'il a épousée le 2 avril 1937 (Femme à la ceinture bleue, 1937, musée de Picardie, Amiens) ainsi qu'un autoportrait (1940, collection particulière).
Dès lors, les scènes d'intérieur se multiplient, nimbées de ce suspens qui donne aux toiles leur caractère immuable. De mystérieux jeux s'y déroulent : des adolescents s'adonnent à la rêverie ou à la lecture (les Enfants Blanchard, 1937, musée Picasso, Paris), jouent aux cartes (la Partie de cartes, 1948-1950, fondation Thyssen-Bornemisza, Madrid), sont mis en scène un miroir à la main (les Beaux Jours, 1944-1946, Smithsonian Institution, Washington) ou en présence d'un chat, compagnon et témoin tantôt ironique tantôt satanique de ces créatures oniriques en quête d'elles-mêmes, à l'orée de la puberté (Nu au chat, 1948-1950, National Gallery of Victoria, Melbourne ; la Semaine des quatre jeudis, 1949, Vassar College, Poughkeepsie ; la Chambre, 1952-1954, collection particulière ; la Patience, 1954-1955, collection particulière), et que le peintre semble surprendre en état d'indolence rêveuse, d'alanguissement ou d'extase. Qu'elles soient habillées ou dévêtues, les jeunes filles laissent toujours transparaître un « je ne sais quoi » d'érotisme et de langueur fiévreuse.
V. Les paysages morvandiaux des alentours de ChassyImprimer cette partie
Réalisés entre 1954 et 1961 (années pendant lesquelles Balthus s'est installé au château de Chassy), les paysages du Morvan sont fortement distincts des paysages suisses et savoyards des années 1930 et 1940, et offrent au peintre l'opportunité de développer une technique d'une subtilité incomparable : bien que construite par empâtements, la matière picturale qui est encore l'huile se veloute, son rendu rappelant la rugosité de la terre (Cour de ferme à Chassy [Grand Paysage], 1960, musée national d'Art moderne, Centre Georges-Pompidou, Paris). Cette technique annonce l'utilisation bientôt systématique de la caséine et de la détrempe sur toile qui évoque l'effet mat et absorbant de la fresque (Katia lisant, 1968-1976, collection particulière, New York). Les vues plongeantes et géométriques, aux accents « cézanniens », sont agencées par bandes, exaltant ainsi la limpidité de la lumière.
VI. L'Académie de France à RomeImprimer cette partie
En 1961, Balthus est nommé directeur de l'Académie de France à Rome
par le ministre de la Culture André Malraux. Il engage de nombreux travaux de restauration dans les bâtiments et les jardins de la villa qu'il marque, jusqu'en 1977, de son empreinte, se prêtant volontiers à de longues conversations avec les jeunes pensionnaires. Durant son séjour en Italie et son installation à proximité de Rome, à Monte Calvello, Balthus se lie notamment avec le cinéaste Federico Fellini et le peintre Renato Guttuso.
Envoyé par Malraux en mission officielle au Japon en 1962, il s'intéresse de plus en plus à l'art d'Extrême-Orient, épouse en 1967 une jeune peintre japonaise, Setsuko Ideta, héroïne de la Chambre turque (1963-1966, musée national d'Art moderne, Centre Georges-Pompidou, Paris) qui donnera naissance en 1973 à leur fille Harumi.
En 1983, le musée national d'Art moderne de Paris organise une rétrospective pour laquelle Balthus fait son autoportrait, mais de dos, une façon bien personnelle de préserver cette aura de mystère dont il ne cesse de s'entourer (le Peintre et son modèle, 1980-1981, musée national d'Art moderne, Centre Georges-Pompidou, Paris).
Balthus s'éteint, à l'âge de quatre-vingt-douze ans, le 18 février 2001, dans son chalet de Rossinière (canton de Vaud, Suisse), où il vit depuis 1977,
laissant inachevée sa dernière toile, Jeune fille à la mandoline (2000-2001, collection particulière). Ce tableau est dévoilé au public lors de l'exposition — soutenue activement par l'industriel et ami de Balthus, Giovanni Agnelli — que Venise consacre au maître, rétrospective féerique et grandiose comportant plus de 250 œuvres.
Loustal:
Je préfère les peintres instinctifs et figuratifs. Les peintres du
début du siècle Matisse, Modigliani, Gauguin. Tous les peintres
allemands de " la nouvelle subjectivité ", Beckmann,
Grosz, Otto Dix. Et bien sûr, Hopper, Hockney, Balthus, pour
l'immobilisme.
(Itinéraire
dans l'univers de la bande dessinée, Michel-Edouard Leclerc page 186)
About this well listed artist: A deliberate enigma,
self-styled recluse, controversial eccentric and revered by
some as one of the great realist painters of the 20th
century, French-born, Polish artist Balthus died at his
chateau in a small village near Gstaad, Switzerland on
February 18th, 2001. Rarely in contact with the pubic, the
artist had been suffering from lengthy respiratory illness.
Born February 29th, 1908 in Paris, France, the artist who
called himself Balthus came into the world as Balthasar
Klossowski, the second son of Polish artist immigrants. The
artist's father, Erich Klossowski, was an art historian,
painter and sometimes stage designer, while his mother,
Elisabeth Dorothea Spiro was a painter who exhibited her
often explicit work under a number of masculine aliases.
When the artist was 9 years old, his parents, who had at one
time obtained German citizenship, were deported from France
as "hostile immigrants", and regardless of their
political sympathies were forced to move to Berlin. The
family's sudden and abject poverty led to a split between
the parents, with Balthus and his brother accompanying his
mother to Geneva, Switzerland. Balthus's mother, who often
went by "Spiro", soon set up housekeeping with the
wealthy German poet Rainier Marie Rilke, who became the
young artist's benefactor. In 1921 Rilke assured the
successful publication of Balthus's work by adding his own
text (in German and French) to a collection of 40 ink
drawings the 12-year-old artist had devoted to the loss of
his pet cat. The collection (and the cat) was named "Mitsou"
and at Rilke's urging was reviewed by some of the great art
and literary critics of the day. By 1924 Rilke had sponsored
the young Balthus's return to France, introducing him to the
influential figures of Paris art and literature as well as
teachers. Two years later, Rilke sponsored a nearly
year-long tour of study for the artist in Italy, which came
to an abrupt end when Rilke died. With the death of his
mentor and financier Balthus returned to Paris, where he was
welcomed by the late poet's circle of associates from the
areas of art, literature and theater. Initially, Balthus's
early presentations of his work, largely landscapes and
figure studies and portraits were favorably if not
unremarkably received during the late 1920s and early 1930s.
When, in 1933-34 the artist's sylph-like subjects became
more scantily clad and began to assume provocative or
completely compromising poses, the art community took
notice, if only to debate whether he was a genius or a
pornographer. In particular, his painting "Guitar
Lesson" created a scandal, greater than predecessors
"Alice", "Toilette de Cathy" and
successor "Andre Derain". Balthus left Paris and
traded sumptuous semi-nude adolescent girls for sumptuous
landscapes. As Balthus's fame spread with exhibitions in
America at the Pierre Matisse Gallery, Metropolitan Museum
of Art and the Museum of Modern Art as well as galleries in
France and England, he became more reclusive and eccentric.
While he was always socially accepted by the royalty of the
arts world, the artist adopted the habit of speaking about
himself in the third person, or, more often, not speaking at
all and retiring into self-imposed exile at any one of a
string of ancient chateaus or villas to create his work. In
1961, the artist reduced his isolation to accept appointment
as the head of the French Academy in Rome, where he divided
his time between his official duties and a 16-year-long
restoration of the Villa Medici.
book title Balthus
author:. ed. by Jean Clair Publisher Thames & Hudson LTD Publication year
2001
isbn 0-500-09303-2
From the beginning of his long career,
Count Balthazar Klossowski de Rola's work was singled out for its
enigmatic qualities. Committed to figurative painting even as abstraction
dominated the art scene, his dream-like canvases garnered him praise from
the Surrealists.As he gradually embarked on new, incendiary subject matter
- populating his paintings with intimate images of pre-pubescent girls -
Balthus trod a thin line between innocence and prurience, and fast became
one of the most controversial of painters. This is a survey of Balthus's
life and work published to coincide with an exhibition at the Palazzo
Grassi in Venice in 2001, the year of his death. The book explores his
many influences, his long Italian sojourns, his contacts with the theatre,
and his love of Chinese painting, the essence of which he frequently
invoked in his own work. As well as colour illustrations, this volume
contains interviews with the artist, recollections from those who knew him,
and essays by various art historians.
Balthus by Jean Clair (Editor): 400
pages ; Publisher: Rizzoli; (December 2001) ISBN:
0847824101
Video: Balthus the Painter (1996)
Museum of Modern Art: Balthus - At the
Pompidou (1983)
Correspondance amoureuse avec Antoinette de Watteville 1928-1937 de Balthus
Balthus de Claude Roy
Éditeur : Gallimard (11 avril 2001)
Collection : Monographies
Format : Broché - 269 pages
ISBN : 2070112632
Balthus : un atelier dans le Morvan, 1953-1961 : Exposition, Musée des beaux-arts, Dijon (13 juin-27 septembre 1999)
Éditeur : Réunion des Musées Nationaux (10 juin 1999)
Format : Relié - 117 pages
ISBN : 2711839087
Balthus 2000 - 2001 "Jeune fille à la mandoline" / "Girl with a Mandolin, Painting Balthus that is not finished.
( Balthus, p.439 Balthus:. ed. by Jean Clair
Publisher Thames & Hudson LTD Publication)
"fille l âge de 13 ans à «La
Jeunefilleàlamandoline», tendre
scène d’abandon
laissée inachevée quelques semaines avant sa mort..."