Voyageur sentimental d'un
temps immobile, Loustal livre, chez Nicole Buck à Strasbourg, ses
derniers dessins, réalisés au fusain. Un impressioniste de la solitude
en noir et blanc.
Un univers minéral émergeant
d'une mer d'huile, des iles désolées entre lesquelles se détache la
silhouette d'un bateau, une route qui serpente dans une cordillère des
Andes stylisée: d'une réalité vécue, Loustal restitue des paysages
imaginaires, familiers et cependant étranges - étrangement familiers.
Du côté de Lou Reed
Le voyage, c'est autant son
histoire que celle de sa famille. «Il y a eu beaucoup de militaires du côté
de mon père. Ils ramenaient des images, des dessins, des photos
d'Afrique du Nord ou d'Extrême-Orient. Ça doit expliquer beaucoup de
choses... », dit-il. Et son univers en effet est fortement ancré dans le
passé, entre ambiances jazz-club des années cinquante ou contrées
lointaines jamais dégagées du poids du colonialisme.
Ne pas en déduire pour autant
que Loustal est mal à l'aise dans son temps. Comme beaucoup de quadragénaires,
il fut un enfant du rock (ses collaborations à Rock & Folk en témoignaient)
et avoue avoir plus sacrifié aux riffs lucifériens de Led Zeppelin
qu'aux langueurs de Barney Wilen; dont il a pourtant magiquement
recomposé l'image dans l'album La Note Bleue. «En fait, le jazz me
touche parce que je l'associe à la nuit, à la solitude, à des atmosphères
intimes qui né sont pas celles du rock» ditil, tout en saluant au
passage le cultissime Rock Dreams d'un Guy Peelleart.
Loustal. Figures ou paysages solitaires - un univers immobile...(Photo DNA
- Yves Dieffenbacher)
Petite fascination tout de même
pour l'univers sombre de Lou Reed. Peut-être parce qu'il s'agit d'un
vrai rock-writter, et pour la qualité de l'écriture. «Il n'y a rien
de plus beau qu'un dessin sous lequel se détache une phrase magnifique.
J'aime travailler avec des stylistes, comme Paringaux Ou Coatelem»
Une trentaine de dessins au
fusain, technique à laquelle l'artiste se confronte pour la première
fois, sont présentés chez Buck. Paysages, portraits, mais des immeubles
aussi, qui rappellent qu'il vient de l'architecture. Un illustrateur
dans une galerie d'art contemporain? Alors que les collections
publiques foisonnent d'oeuvres de la Figuration libre, la question
semble datée. Et pourtant... «Lorsque des illustrateurs exposent en
galerie, les milieux 'de l'art contemporain ne se déplacent pas, les
critiques sont acides et les cotes bien en-dessous de celles des artistes
dits contemporains.» De quoi lui redonner des envies de voyages...
Serge Hartmann (Dernières
Nouvelles d'Alsace
N° 123 - Mercredi 28 mai 2003)
Jusqu'au
28 July à la galerie Nicole Buck - 4 rue des Orfèvres à Strasbourg. Du
mardi au samedi, de 14h30 à 19 h30. 03
88 22 63 09.
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