Expo
Loustal à Cherbourg
Photos de Loustal et de son atelier
par Christophe Lebédinsky. Entretien
réalisé par Frédéric Bosser.
Clair-obscur à
Cherbourg
Toute
l'œuvre de Loustal en lumière à
Cherbourg, cela valait bien La Une
de noire revue ! Avec
cette capacité de travail et cette
faculté de toujours avancer... tout
en gardant un style ; Loustal ne
cesse de nous émerveiller !
Parlez-nous de cette grande
exposition, autour de votre
travail, dans le cadre de la
Biennale de Cherbourg...
Christian Desbois, le
commissaire de l'exposition, m'a
propose d'être l'invité de cette
manifestation, tout comme Bilal,
Schuiten et Juillard l'avaient été
avant moi. N'ayant pas monté de
grandes expositions depuis
longtemps, je n'avais aucune raison
de refuser. Au début, j'ai cru
qu'ils voulaient organiser une
rétrospective ; j'ai regardé ce que
je pouvais leur fournir et j'ai
contacté certains collectionneurs
pour récupérer des Finalement, ce
fut inutile : les conservateurs du
musée se s( déplacés plusieurs fois,
ici, á l'atelier pour décider quel
alla être le fil rouge de
l'exposition...
Et
alors ?
Ils ont opté pour le clair-obscur,
ce qui annulait toute la par
peinture pour se focaliser sur mes
aquarelles, le papier... Il aussi
demandé á Franck Bordas d'imprimer,
sur de très grandes estampes
numériques (deux mètres sur deux),
certains travaux extraits de Nord,
mon portfolio édité chez Alain
Beaulet. Le résultat est surprenant
! Ce sont des aquarelles, très
académiques, proches de la
photographie qui supportent bien
l'agrandissement. Elles deviennent
des œuvres á part entière.
Leur choix s'est également porté
sur vos photographies...
C'est vrai que cette exposition
me permet de montrer tout h travail
que je fais en photo. Nous avons
choisi des images tr graphiques et
des panoramas que je n'ai jamais
publiés, ni ment montrés [Un petit
livre de photos, Argentique, est
sorti récemment chez Alain Beaulet].
Là encore, Franck Bordas s est
occupé. Détail amusant : quand j'ai
connu cet imprimeur
a une dizaine d'années, il avait
toujours les mains pleines d'encre.
Maintenant, il est entouré
d'ordinateurs dans une ambiance
très high-tech... (Rires).
Nous allons tout savoir de vos
secrets de fabrication.
Moi, au moins, je travaille à
partir de mes photos et non celles
des autres (Rires). La
photographie a toujours eu une
place importante dans mon travail.
D'ailleurs, les premiers travaux
j'ai montrés á Rock&Folk
étaient des photos. Mais elles n’
étaient pas vraiment au même
niveau que celles de Claude
Gassian ou de Jean Pierre
Lenoir : des pros de la photo
rock. Alors je me mis à dessiner
les ambiances de mes photos…
En parlant de rock, les
Inrockuptibles éditent un numéro
spécial á l'occasion de cette
biennale...
Ils sont partenaires de la
manifestation... J'ai découvert
avec surprise les hommages de
Charles Berbérian et de Jean
Giraud. Cela fait toujours plaisir
d'avoir un avis extérieur, que ce
soit d'un contemporain comme
Charles ou d'un maitre comme Jean.
Le voir intervenir, dans un numéro
comme cela, en sachant qu'il fait
partie de ceux qui t'ont donné
envie de faire de la bande
dessinée, c'est assez magique !
Á propos de Jean Giraud, vous avez
surement appris mieux le connaître
lors des séances « à cinq »
organisées par son épouse,
Isabelle, avec Avril, Juillard et
Mattotti ?
Nous avons participé à un cycle de
cinq rencontres d'une après-midi
ou nous travaillions sur le même
sujet. Nous étions au cœur du
dessin et, á la fin de la séance,
nous nous les échangions.
Maintenant, nous nous voyons de
manière très amicale, sans but
précis. C'est assez agréable de se
retrouver ainsi, nous qui sommes
plutôt de la catégorie des «
solitaires ». Je ne supporterais
pas de travailler avec quelqu'un
d'autre.
Pour en revenir à la Biennale,
êtes-vous allé là-bas, comme
Juillard, en résidence pour un
projet précis ?
Comme je savais qu'André avait
réalisé un petit livre de croquis
autour du site de La Hague [André
Juillard, La Hague...— Ed.
Christian Desbois. Tirage limité á
1 000 ex.], j'ai proposé de
travailler sur les iles
anglo-normandes proches de
Cherbourg mais ce que je ne savais
pas c'est qu'elles ne dépendent
pas de cette ville... Alors nous
avons opté pour les fortifications
et les batteries de Vauban qui
parsèment cette ville. Customisées
qu'elles sont par les bunkers
allemands, elles m'inspiraient
beaucoup. Les éléments naturels
(les minéraux, l'eau, l'air...)
mêlés au blanc du papier
fonctionnait avec mon travail aux
fusains qui rend bien le côté
rouille de l'air marin qui attaque
les pierres. J'ai fait le tour
des lieux susceptibles de
m'intéresser, je suis revenu á
l'atelier avec mes photos puis
j'en ai sélectionnées dix Pour
l'instant, rien n'est susceptible
d'être publié.
En parlant de photos, j'ai appris
que certaines ont été exposées au
dernier salon professionnel de
Photographie de la Porte de
Versailles...
C'était en octobre dernier, dans
le cadre de l'exposition Les
amateurs célèbres. Mes travaux
côtoyaient ceux de Charles
Aznavour, Diane Tell, Bianca Li,
etc. Chacun avait un box. Les
organisateurs ont choisi de faire
des agrandissements [3mx1,5]
de mes panoramiques. Très
graphiques, ils seront, eux au
exposés á Cherbourg. Comme vous le
voyez, cette exposition s'est
montée petit à petit...
proposition après proposition.
Nous y verrons quand même un peu
vos dessins…
…(Rires). Bien entendu, et en
particulier les couvertures dont
je ne me sépare jamais. Il y aura,
en tout, deux cents pièces dont
environ 20% de photographies. Un
important espace est
également consacré á mes
sérigraphies et aux tirages
numérotés et signés. J'ai hâte de
découvrir le résultat et la mise
en scène qu'ils vont proposer.
Premier
bon point, l'affiche est très
belle...
Une fois que l'idée du
clair-obscur a été choisie, je me
devais de travailler sur la lumière,
le crépuscule et Cherbourg...
Où en sont vos autres projets ?
Un beau livre édité par la galerie
italienne Nuages* va sortir à
l'occasion d'une exposition à Milan
qui a commencé le 12 mars. La
galeriste souhaitait que je rentre
dans sa collection de carnets de
voyages où figurent déjà La Pampa de
Muñoz ou le site d'Angkor vu par
Mattotti. Nous avons cherché une
destination intimement liée à mon
univers et nous sommes tombés
d'accord sur L'île de Porquerolles,
un endroit que je connais bien
[Loustal y a une maison familiale].
J'ai fait des lavis, des peintures à
l'huile et des aquarelles sur ce
lieu. C'est la première fois que je
vais éditer un livre sur un lieu que
je connais si bien. D'habitude, je
travaille sur la première fois, la
découverte, les premières
impressions...
Entre
Porquerolles et Cherbourg, vous
n'avez pas eu peur de finir il
peintre du dimanche », vous
qui nous avez habitués aux grands
espaces et à l'exotisme...
... (Rires). Je vous rassure, je
pars au Costa Rica dans quelques
jours [l'interview s'est faite fin
février, juste avant les vacances
scolaires]. J'aime aller là où je ne
suis pas attendu. C'est vrai que
contrairement à ces autres
destinations, j'ai avec Porquerolles
un rapport très intime ; il m'arrive
d'y aller en plein hiver, à bord
d'un Kayak... Et puis pour les
italiens, c'est exotique... (Rires.)
Vous n'avez aucun projet de bande
dessinée ?
Pour l'instant, je n'ai rien signé.
J'ai seulement des touches avec
Philippe Paringaux, Romain Slocombe,
Tonino Benacquista, Jean-Claude
Grötting... Comme je sais qu'une BD
est un travail assez fastidieux, je
ne veux pas me tromper dans mon
choix. Je ne peux plus faire des
choses moyennes. Mais quel plaisir
je ressens lorsque je sors une bande
dessinée !
Seriez-vous devenu plus sélectif
avec le temps ?
C'est normal. Au début, il vous
tarde de faire un album. Vous avez
envie d'enchaîner des cases, des
planches... Ce n'est pas une
question d'âge ou de temps qu'il me
reste à accomplir, mais d'expérience
de ce qu'est le travail de
dessinateur de bande dessinée. Je
reste dans la mise en scène et
l'image ...
Pourriez-vous passer le cap et
écrire vos propres histoires ?
Non. Je travaille avec des stylistes
et je sais que ce qu'ils écrivent,
je serais incapable de le faire. Sur
de petites distances, comme sur Ce
qu'il attendait d'elles, le petit
livre paru chez Beaulet, c'est
possible, mais cela reste des
commentaires de dessins. Je préfère
vraiment me concentrer sur le
rapport image-texte. L'important,
c'est le ciselage du texte...
Charyn, Coatalem, Simenon, Paringaux
sont des stylistes et c'est pour
cela que j'aime travailler avec eux.
Ils savent m'offrir les scènes
fortes dont j'ai besoin pour
jalonner mes bandes dessinées. C'est
aussi pour cela qu'il m'est
impensable de travailler avec des
scénaristes « classiques »...
Affaire à suivre...et rendez-vous à
Cherbourg ! n
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