|
||||||||||
1995 Grands Reportages n°165 Grands Reportages, n°165,octobre 1995 "Jacques de Loustal, voyageur nonchalant", p.124-127
Reconnaissable à son style lascif et très coloré (il y a un « bleu Loustal »), l'auteur de Coeurs de sable n'a pas son pareil pour rendre une atmosphère balnéaire ou tropicale, une impression d'attente, souvent légèrement décalée, et ce sentiment étrange et sensuel qui vous accable au-delà de trente trois degrés centigrades : mélange de joie lente et d'égarement, quelque chose comme l'effet à retardement d'un ti punch carabiné. Grand voyageur, fou d'exotisme, Jacques de Loustal se promène à ' travers le monde - cette année, après le Bénin et la Roumanie, il revient d'Indonésie - avec une nonchalance élégante et un goût prononcé pour les panoplies de la nostalgie. Le palmier aux feuilles ahuries ou le poisson volant immobilisé dans l'air saturé sont l'une des marques de ce style que l'on reconnaît entre mille. Sous l'aigre-doux ou le piment qui pique, il y a à l'évidence une « pâte » tendre et parfumée. Loustal sait jongler avec le factice et le symbole, l'hommage e indirect et la cruauté fine. Ayant pour base des carnets de papier aquarelle qu'il emporte toujours avec lui, il ô croque à l'encre de Chine des scènes qu'il retravaillera .: ensuite le soir à l'hôtel, au calme, avec de la couleur. On se souvient de son travail à Cuba, aux Seychelles comme au Togo. Loustal utilise aussi un carnet dessins en papier bible, genre missel, sur lequel il note au feutre-pinceau des détails ou des objets. Sous chaque dessin, il donne des indications rapides, comme un degré d'hygrométrie, le numéro d'une chambre, le nom d'un plat, d'un hôtel ou d'une rivière. Matière pour un décor, un personnage, une scène d'un livre futur... « Mes carnets, c'est mon garde-manger ! », précise-t-il en riant. Utilisant aussi systématiquement la photo, Loustal avoue compléter par la pellicule ce qu'il n'a pas le temps ou le loisir de dessiner : par souci de précision d'abord, mais aussi par peur de manquer une qualité de lumière ou un jeu de volumes. Quant aux imprévus du voyage, Loustal en fait sa pelote : débarqué à l'île Maurice sans son bagage, il ne trouva sur place que des pinceaux de calligraphie chinoise avec lesquels, sans se démonter, il se lança dans un nouveau traité qu'il utilise toujours ! « Pour moi, le dessin en voyage, ce sont plus des moments que j'ai envie de prolonger, des moments d'attente, des instants de plaisir... Pas forcément d'ailleurs ce qui est le plus important ou le plus significatif dans le pays, mais ce qui, sur le moment, m'a touché, impressionné, explique Loustal. Le dessin en voyage est pour moi un pur plaisir, presque un bonheur d'amateur... Ce que je dessine le mieux, ce sont les détails, les objets, même s'il est souvent difficile de dessiner en plein air : il se forme rapidement un attroupement de curieux. Au Maroc, par exemple, dans les médinas, ce n'est pas évident. Mais cela ne me gêne pas que l'on regarde et commente par-dessus mon épaule Carnet
de voyage indonésien, éditions Christian Desbois ; Sud, éditions Alain
Beaulet ; 50.00 dinars, éditions Reporter. A paraître : agenda 1996
(Reporter) ; Carnets de voyage 1 et 2, à reparaître (éditions du
Seuil). revue GRANDS REPORTAGES octobre 1995 N°165,
|
|