Loustal: Avec Paringaux, il n'y a jamais eu de véritable rupture dans
notre collaboration. Avant tout, c'est un ami. A une époque, il a été
pris par autre chose et n'écrivait pratiquement plus. Il restait sur
l'après Barney. De mon côté, j'étais engagé sur d'autres projets,
avec Charyn et Fromental. Le temps a passé comme ça. Puis un jour, nous
nous sommes retrouvés autour d'un projet de bande dessinée. Il était
disponible, et ça s'est fait naturellement.En fait, Paringaux n'est pas un scénariste professionnel, il écrit
principalement pour moi. Nous avons chacun d'autres activités et nous
faisons des livres ensemble quand nous en avons envie. Pour La Couleur des
rêves, je lui ai demandé d'écrire des petits textes qui soient en
quelque sorte l'écho ambiant de mes images. Mon but n'était pas d'en
faire un livre monographique bavard et explicatif, mais plutôt une
incitation au rêve qui fasse éprouver au lecteur, une sensation proche
de celle qu'il ressent en feuilletant un livre de photos.
On dit de Paringaux qu'il vous fait des scénarios sur mesure en
s'imposant, au moment de l'écriture, la contrainte de la voix off.
Loustal: Avant notre rencontre en 1980, j'étais déjà conquis par le
style de Philippe. Ce que j'aime chez lui, c'est son écriture qui peut se
développer de manière plus riche dans un texte off que dans une
succession de dialogues sous forme de bulles. A vrai dire, comme nous
travaillons surtout les atmosphères, j'ai besoin de grandes images pour
travailler la lumière. Le recours aux ballons pourrait se révéler
inadéquat. En revanche, quand je travaille avec d'autres scénaristes, je
n'ai pas nécessairement envie qu'ils essaient de faire "à la
manière de" Paringaux.
Le thème développé dans Un garçon romantique, était ce quelque
chose qui lui était cher à lui, ou alors à vous deux?
Loustal: C'est un peu notre univers. Le thème c'était quelque chose
qui me touchait au départ: les histoires de gigolos, de Riviera dans ces
années là.
Lui, c'est un peu une constante dans les histoires d'amour qu'il
écrit; ce sont des histoires assez dures, noires, dans lesquelles il y a
toujours un moment de pureté, de véritable amour.
Vous alternez constamment un travail d'illustrateur avec celui d'un
dessinateur de BD. En quoi est ce que ces approches sont semblables ou
différentes?
Loustal: J'ai beaucoup de commandes d'illustrations, comme beaucoup de
dessinateurs de BD. J'ai toujours envie de continuer à faire de la BD
parce que ce que j'aime, c'est mettre en scène des histoires, faire des
livres, travailler sur un système de narration. Ce qui m'est assez
pénible, c'est la constance du travail et du style graphique, la
contrainte de dessiner des personnages toujours les mêmes. Une BD nie
prend un
an et après, j'ai vraiment besoin de m'impliquer dans d'autres
domaines, avec des outils différents, en toute liberté.
Il y a à la fois un travail de commande que ce soit pour la presse ou
pour la publicité et il y a aussi le travail qui aboutit à des
expositions.
Dans La Couleur des rêves, il y a beaucoup de peintures, de grandes
aquarelles, des pastels qui ne sont pas des travaux de commande.
Est ce qu'il ne vous arrive pas parfois, au moment de faire une case de
BD, de vous dire que vous auriez pu faire ça en plus grand, par exemple?
Loustal: Quand je cherche des compositions de tableaux ou de grands
formats, je pars très souvent dans les pastels et il y a des choses qui
étaient déjà composées dans certaines cases de BD, assez grandes, qui
peuvent donner lieu à un autre traitement, où l'on approfondit le côté
pictural du dessin. Mais après, je me retrouve avec le problème où,
quand je fais une BD, les gens me disent que chaque case ressemble à un
petit tableau et où, lorsque je fais de la peinture, ils disent que c'est
très illustratif.
Tout ce que je fais est vraiment dicté par le plaisir et la
curiosité.
Vous êtes très prisé par les publicitaires, mais aussi par la grande
presse internationale (New Yorker entre autres) et particulièrement
populaire en Allemagne.
Loustal: Tous mes livres paraissent en Allemagne. Le public allemand
est très ouvert à la BD. Lorsque je vais en Allemagne, j'ai l'impression
d'être en France dans les années 80, c'est encore l'époque de la
recherche du tirage de tête, de la dédicace. J'ai beaucoup travaillé
dans la revue Raw avec Art Spiegelman et Françoise Mouly. Il se trouve
qu'ils sont maintenant à la direction artistique du New Yorker. Ils ont
voulu bouger le côté très figé de l'illustration du journal avec des
illustrations qui traitent des atmosphères new-yorkaises au rythme des
saisons. Le problème, c'est que quand an vit à Paris, ce n'est pas
facile de percevoir l' air du temps à New York.
Loustal / Philippe Paringaux UN GARÇON ROMANTIQUE Collection Studio 80
P. - 90 FF- 545 FB LA COULEUR DES RÊVES Hors Série 88 P.-150 FF- 950
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