WB01343_.gif (599 bytes)WB01345_.gif (616 bytes)

2006 Loustal : « Je ne gomme jamais ! »

Le soir enligne, mercredi 22 février 2006

Loustal : « Je ne gomme jamais ! »
Entretien L'aventure graphique du carnet de voyage dans les bagages.

Le carnet de voyage fait fureur chez les auteurs de bande dessinée. A l'écart des modes, Loustal se range parmi les précurseurs de ces peintres de points de vue et images du monde. A contre-courant des petits reporters ou des apprentis illustrateurs, l'auteur de Clichés d'amour et de Kid Congo sait capter l'émotion d'une coupe de cheveux, d'un faux palmier de Namibie, d'un coucher de soleil sauvage. Dans son Carnet 2003-2005, il a fait un tour de Terre, des îles Eoliennes au Brésil, avec des sauts de puce dans la mer d'Andaman, en Bolivie, au Maroc oriental, à La Réunion, dans les déserts de Namibie ou sur les rochers de Koh Yao en Thaïlande. Chaque dessin respire le bonheur du regard libéré des cases.

En feuilletant ce carnet, on s'imagine que vous êtes tout le temps en vacances...


Hier encore, j'étais sur la plage de Lanzarote. Là, c'étaient de vraies vacances. Mais le retour a été cauchemardesque. Ils m'ont perdu la valise, avec les clés de la maison dedans ! Le carnet traduit autre chose que ce genre d'anecdotes personnelles stéréotypées. Il exprime à travers la liberté et le plaisir du dessin les impressions les plus fortes inspirées par de vrais voyages. Ce qui me motive, c'est de rapporter des images qui ne pourraient pas exister sans le voyage. Il doit se produire quelque chose au fond de l'oeil.


Un lien mystérieux semble unir les destinations comme s'il y avait une histoire cachée derrière les images.


L'unité apparente vient sans doute de mon regard sur les choses, de l'esprit qui guide la composition graphique, en dehors justement de toute contrainte narrative. Je travaille énormément sur le rapport entre l'image et le texte pour trouver le mot et le ton justes, en ciselant les courtes phrases qui accompagnent les dessins. C'est un concept proche de l'art de la calligraphie.


Vous semblez afficher une prédilection pour les îles et les déserts, ces dernières années. Comment choisissez-vous les destinations ?


Je réponds aux invitations de salons du livre à l'étranger et aux demandes d'exposition de l'Alliance française, comme dans le cas de la Bolivie par exemple. Mais je choisis aussi les destinations en fonction de mes fascinations. J'adore la mer vue des îles. L'avantage d'une île, c'est qu'on peut prendre le temps d'en faire le tour, de s'arrêter pour le plaisir de dessiner. Je refuse les hauts lieux du tourisme ou de l'architecture. Que pourrais-je rapporter de Rome ou de Venise, où tout a été vu. Comment dessiner au Rajasthan ? Il y a trop de monde et les monuments sont trop sophistiqués.


Vous dessinez sur la route ou d'après photo ?


Soit je dessine sur les lieux mêmes, soit j'utilise des photos. Dans ce cas, le dessin additionne les différents clichés. J'épure les photos. Cela donne une dimension narrative intéressante à l'image. Cela s'est produit en Bolivie : j'étais coincé à la frontière, sans pouvoir changer de billet d'avion. J'ai profité de ce moment de respiration forcée pour redessiner tout le voyage en trois ou quatre jours dans ma chambre d'hôtel.


Toujours la même technique ?


Le carnet de voyage m'a fait redécouvrir le crayon, et le bonheur du premier jet. Je ne gomme jamais. Pour ne pas désosser mes carnets, je photocopie les meilleurs dessins en durcissant le trait pour les travailler ensuite à l'aquarelle. C'est si intéressant graphiquement que j'ai décidé de reprendre cette technique pour mes bandes dessinées.


Votre prochain album sera empreint de cette poésie du voyage ?


Pas vraiment ! L'histoire écrite par Philippe Paringaux est noire à pleurer. C'est un polar très violent, intitulé Le sang des voyous. Paringaux a une plume extraordinaire, mais il est temps pour mon moral que l'album se termine !

 
Propos recueillis par DANIEL COUVREUR