1991 19 Pastels Loustal livre, Silicom, p. 34,
19,3 x 23,8 cm, 1991
19
PASTELS PASTELS Jacques
de Loustal considère les dix-neuf pastels à l'huile dont les
reproductions composent cet album à la fois comme un travail global et
comme une galerie fictive. Ici, il ne s'agit ni d'illustrations ni de
peintures. Les premières supposent une création originale dont la seule
finalité est d'être reproduite. Elles ont assuré sa notoriété
initiale et fortifié la base de sa pratique, par le biais de la bande
dessinée et de la publicité. Les secondes, ces oeuvres uniques sur une
toile tendue qui peuvent être recommencées, recouvertes, intimement
modifiées, il s'y frotte farouchement, mais sans hâter le moment de la
confrontation. Il devine le prix à payer d'un élan prématuré, et sait
que les carrières artistiques payent vite en manque d'altitude ce
qu'elles gagnent en accélération. La lutte de Jacob avec l'ange ne se décide
jamais au second round. Loustal est un boxeur flegmatique. Dans ce cursus,
le pastel apparaît comme un entre-deux, le point de bascule d'une vie.
Avec lui, Loustal troque la transparence et la fluidité de l'aquarelle -
qu'il connaît bien - pour le royaume du pâteux, du solide et du violent.
Il laisse derrière lui l'urgence et l'instinct pour la matérialité.
Celle de l'oeuvre avec laquelle on se heurte trois jours durant, le
chantier, l'établi, la logique du travail de force. Les blancs, les
reflets, ont cessé d'être une absence - la surface vierge du papier
d'aquarelle - pour acquérir une épaisseur. Le pastel est réaliste.
Le pastel est photographique. Pour
le tordre, pour l'arracher au monde vu de tous, Loustal en ourle les
surfaces d'un trait noir. Un pseudo-encrage de bande dessinée, qui dépasse
la citation d'un genre dont il connaît par coeur les codes. Si Loustal
agit ainsi, c'est afin de réinstaurer l'irréel dans ces moments dont il
est un spectateur fictif, et dont il veut être le metteur en scène.
Regardez Aicha, petite panthère. La femme couchée est soulignée d'un
trait, même si celui-ci se confond avec un bikini explosé par ses
formes. La panthère éponyme, dont le pelage jaune tacheté s'y prêterait
pourtant, échappe au cerné noir. Rien ne matérialise la frontière de
ses couleurs. La panthère appartient à une toile, reproduite dans le
pastel. Une toile à venir. La panthère est la peinture, encore en abîme.
Quant à Aicha... Dans ses Notes de chevet rédigées vers l'an mille, la
dame d'honneur de la cour impériale nippone Sei Shônagon cite au nombre
des "choses qui gagnent à être peintes", "un paysage d'été,
au plus fort de la chaleur". Loustal a vécu au Maroc, seize mois de
coopération comme architecte dans une petite station balnéaire de la côte
atlantique, dont les villas perdues dans la verdure semblaient dessinées
par Rob Mallet-Stevens. Il y a appris la lenteur, l'ennui et l'économie.
Il y a distillé ses dessins, entre des parties de tennis et un grand
planisphère qu'il pouvait contempler en silence, deux heures durant, au
cours de réunions professionnelles où il était le seul à ne pas parler
l'arabe. Sur la plage, il allait faire des séries d'études de ciels.
Ainsi, il a appris la lumière et l'espace. Loustal est sensible au temps
qui passe. Il aime peindre la lumière, et la lumière ne peut être qu'un
moment. Pour lui, chacun de ces pastels est donc un instant figé d'une
histoire. Un point de la course du temps, dont il l'a extrait comme un
poisson d'un torrent. Loustal n'a pas de modèles. C'est malgré lui que
ses personnages se mettent à imiter des êtres réels. Certes, Monsieur
Max et Madame Ida se réfèrent à des personnages, ceux d'une bande écrite
par jérôme Charyn. Il voulait les projeter hors de leur intrigue, et
vers leur propre futur. Sur toute cette série de pastels, seuls ces deux
portraits se sont donc pliés à la notion de ressemblance. Mais leurs modèles
n'ayant eu, eux aussi, que deux dimensions, ils n'ont pas plus souffert
que les autres du diktat qu'implique le respect d'une architecture de
visage. Pour Loustal, les figures humaines apparaissant dans ces pastels
n'en sont que des éléments parmi d'autres. Ni plus, ni moins. Il ne pose
pas de hiérarchie entre la personne et le décor. Peut-être parce qu'il
est sensible aux oeuvres anonymes, ces toiles tendues au fronton des cinémas
de son enfance, ces fresques que l'on voit dans les restaurants du
Maghreb, ces fonds de bidons de pétrole que les artistes haïtiens
ajourent et décorent, ou ces statuettes naïves et guindées, vieilles
comme la colonisation, vieilles comme le métissage, qui se vendent
toujours dans les villes de l'ancienne A.O.F. Créations qui semblent dictées
par le plaisir, et qu'on voudrait croire façonnées par des hommes décidés
simplement à aller au bout de leur envie. Pour Loustal, l'essentiel n'est
pas ce qui frappe l'oeil. Il dit que le nu satisfaisant est rare. Aussi,
il habille les siens d'un espace où des piments abstraits et sensuels
sont répandus sur un tapis, où les bariolures d'un rideau n'obéissent
qu'à un bon plaisir, comme les couleurs de ces poissons qui hantent,
calmes fuseaux métalliques, tronçons sanglants ou arêtes finales, ses
compositions. "Dieu est dans les détails", disait Mies van der
Rohe. Le pivot de cette série de dix-neuf pastels est Un verre de Grappa.
Non qu'il l'ait peint le premier. Mais le format, la matière charbonneuse
du veston de l'homme, la lumière étouffée et la chaleur lourde résument
ce que Loustal attend de cette technique particulière. Un piment équivoque
est posé là, bien sûr. Et quand on s'étonne que le personnage masculin
ait enlevé ses chaussures et ses chaussettes avant même de déboutonner
son col, quand on remarque que la jeune femme semble bien féline face à
autant de chair coincée dans ce terrible costume, bref que le couple paraît
mal assorti pour cesser enfin de rester gelé aux deux bouts d'un canapé,
Loustal répond de sa voix lente et sarcastique qu'il fait chaud en Italie
l'après-midi. Paris,
décembre 1990 S I L I C O M
E T L E M É C É N A T Automatic
Translaton: (google translate) P
R É F IN C E by
François Landon
Jacques
Loustal considers the nineteen oil pastels including reproductions of
this album as both a global work and as a fictional gallery. Here there
is neither illustrations or paintings. The first assumes an original
creation whose only purpose is to be reproduced. They ensured its
initial recognition and strengthened the base of his practice, through
comics and advertising. Second, these unique works on canvas that can be
repeated, covered intimately modified, vehemently rubs, but hasten the
moment of confrontation. He guesses the price of a premature enthusiasm,
and knows that artistic careers quickly pay for lack of altitude they
gain in acceleration. Jacob Wrestling with the Angel never decided in
the second round. Loustal is a phlegmatic boxer. In this course, pastel
appears as an in-between, the tipping point of a lifetime. With it,
swapped Loustal transparency and fluidity of watercolor - he knows well
- the Kingdom of the pasty, solid and violent. He leaves behind the
urgency and instinct to materiality. That the work with which we are
faced three days, the yard, the workbench, the logic of the labor force.
White, reflections, have ceased to be an absence - the virgin surface of
watercolor paper - to gain thickness. Pastel is realistic. Pastel is
photographic. Paris,
December 1990, |
n° 7 Aquarium II: Pastel à l'huile sur papier 480 x 518 mm
n° 14 L'été Pastel à l'huile sur papier 280 x 395 mm
n° 3 portrait de Monsieur Hareng: Pastel à l'huile sur papier 320 x 250 mm
n° 10 Aquarium I : Pastel à l'huile sur papier 475 x 645 mm
n° 1 le milieu de l'Atlantique : Pastel à l'huile sur papier 270 x 451 mm
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