Beaux Arts Magazine n° 220
septembre 2002, 36p.
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LOUSTAL
VOYAGE
EN DOUCE
Par
Vincent Bernière
Jacques
de Loustal alterne la bande dessinée, les couvertures
de roman, la
peinture à l'huile et dessine
à plaisir dans ses carnets de voyage. Dans son dernier album, ce
dandy doué adapte de drôles de nouvelles douces amères signées Jean-Luc
Coatalem et nous
embarque en
mer de Chine.
Elégant raffiné, subtil. Les qualificatifs précieux ne manquent pas pour
décrire le travail de Jacques de Loustal en bande dessinée. L'homme n’y
déroge pas. De tous les vernissages quand il est â l' Paris, Loustal évoque
volontiers David Hockney, William Klein ou Georges Simenon, vêtu de costumes
en velours et chaussé de souliers pointus, le regard dans le vide et k verre
de scotch à la main. Mais la plupart du temps, Loustal est en voyage dans
les pays chauds, C'était la trame de ses premiers livres: New York Miami,
Zenata-plage et aussi: Une Vespa, des lunettes noires, une Palm-Beach elles
voudraient en plus que j'ai de la conversation, un titre qui évoque à lui
seul tout l'esprit d'une époque. Celle de la presse rock des années 1980 et
de Rock and Folk, le magazine ou Loustal rencontre Philippe Paringaux, un
autre dandy eighties aujourd'hui rangé des voitures. Paringaux est une
plume, comme on dit. II écrira les textes de quelques-uns des plus beaux
albums de Loustal : Barney et la note bleue, Un garçon romantique, Coeur de
sable. À contre-courant de la bande dessinée, les deux hommes prennent alors
I 'habitude de ne pas utiliser la bulle pour figurer les dialogues enter les
personnages. Le phylactère est jugé peu esthétique et trop marqué. Ils se
servent alors de récitatifs à l'écriture ciselée, qui viennent se placer au
bas de vignettes aux couleurs fauves. Loustal développe son style, avec une
exigence littéraire et le souci de l'ambiance. À l'époque, il fait un peu
figure d'extra-terrestre au milieu des autres auteurs de BD classique.
Jacques de Loustal s'assoit nonchalamment dans les canapés de son vaste
atelier pour évoquer son dernier album, une adaptation de nouvelles douces
et amères écrites par un autre voyageur en dilettante: Jean-Luc Coatalem. Le
loft borde le canal SaintMartin. à Paris, le long du quai de Seine et les
murs sont recouverts par les œuvres des amis: Avril, Petit-Roulet, Dupuy et
Berbérian, Jan-Claude Denis. Loustal feuillette une bande dessinée bas de
gamme et récite le contenu d'un phylactère : « Hey Winch, quand vas-tu
acheter cette prison de merde pour en faire un cinq étoiles?»
Et commente: « Heureusement que je ne travaille pas sur ce genre de texte,
je ne saurais pas quoi faire... Pour moi, l'écriture est très importante, au
moins autant que I 'image. Dans un livre, il me suffit parfois d'une seule
phrase pour commencer à cogiter, envisager un ton graphique, imaginer des
ambiances. Le signe d'une bonne histoire, c'est le plaisir que j'y prends.
Et pour ça, j'aime bien le format de la nouvelle. C'est un peu comme une
chanson qui se déguste. Alors que dans la plupart des bandes dessinées,
lorsqu'on mer le scénario à plat, ça donne tout juste un petit paragraphe
sans style. »
Seulement la BD , avec sa multitude de cases, de planches et de pages, ça
phatique. Pas le genre de Loustal, qui préfère alterner les illustrations
pour le New Yorker les couvertures de romans, les récits au long cours pour
Casterman et la peinture à l'huile. Loustal, c'est aussi les carnets de
voyage, bien avant ceux de Titouan Lamazon. En 1990. il collabore avec
Etienne Robial à l'époque graphiste et éditeur de Futuropolis, responsable
des maquettes de Métal Hurlant (À Suivre), de l'habillage des Enfants du
rock puis de Canal +, et dont on ne dira jamais assez l'importance dans
l'histoire de la bande dessinée moderne. Robial pousse Loustal à publier ses
carnets de voyages, aujourd'hui, édités au Seuil. Plusieurs petit livres
dessinés autour du monde avec une philosophie toute particulière: «Le dessin
de voyage est un dessin de plaisir. Je suis bien dans un endroit alors, pour
prolonger ce moment, je prends un papier que j'aime bien, avec une plume qui
fait un joli bruit sur le papier, et je dessine ce que j'ai devant moi, »
pour partager de tels moments, prenez un livre de Loustal, asseyez-vous,
ouvrez,-le: ça y est, vous étés ailleurs
Jolie Mer de Chine
par Jacques de Loustal et Jean-Luc Coatalem, ed. Casterman,
2002 48 p., 9,45 €
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